Paysans d'Avenir

– Embarquez dans l'aventure

Bienvenue à la ferme des Bentham

8 mars 2016


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Je suis restée une dizaine de jours à la Ferme de Kathy et Doug Bentham, entre traite des chèvres, des vaches et désherbage.

Lorsque Kathy est venue me chercher à la descente du bus et que je suis montée dans sa « pink brown colored » voiture (couleur rose marron), j’ai su que je débarquais dans une « dairy farm » (ferme laitière). Comment ? L’odeur de la voiture ! Une odeur chaleureuse de lait qui vous rappelle l’enfance.

La ferme est présente sur deux sites. La ferme principale est située près de Te Aroha ici et regroupe les 600 chèvres et la centaine de vaches. L’autre se situe près de Whangamata, ici, et se compose de quelques vaches mises au pré et, surtout, de plein de moutons ! Ces derniers sont la propriété d’un agriculteur à qui ils louent les terres. Ils sont élevés principalement pour la viande mais la tonte de la laine permet d’ajouter un revenu à l’exploitation.

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La ferme de Whangamata (prononcer Fangamata)

L’agriculture, une histoire de famille

J’ai demandé à Kathy comment elle était devenue agricultrice, et elle m’a retracé l’histoire de leurs ancêtres à Doug et à elle en remontant 3 générations.

Comment l’arrière-grand-mère de Doug était tombée amoureuse d’un serviteur de son père et l’avait épousé en secret. Comment ils avaient fui vers le Canada. Installés comme fermiers là-bas, ils ont fini par revendre la ferme pour revenir en Nouvelle-Zélande (mal du pays) et y recréer une ferme. Quand à Kathy, son arrière-grand-père était le plus jeune fils de sa famille en Angleterre. A l’époque, c’était toujours le fils ainé qui héritait de la ferme, les autres recevant une somme d’argent en compensation. On les encourageait à partir en Nouvelle-Zélande construire leur propre ferme. C’est ce qu’il a fait ! Kathy a grandi dans une ferme et elle a toujours aimé ça. Alors quand elle a rencontré Doug et qu’il lui a montré la ferme familiale, elle a sauté dedans à pied joint !

Aujourd’hui, ils dirigent la ferme avec deux de leurs quatre enfants : Jimmy et Patrick. Jimmy s’occupe des vaches puis donne un coup de main pour le reste des tâches. Patrick s’occupe des chèvres avec Kathy tandis que Doug leur prête main-forte. Ils ont un salarié, Yann et un backpacker (là que pour quelques temps), Max. Pour faire tourner la ferme, ils se réunissent tous les lundis matin pour faire le point, planifier les grands travaux et répartir les tâches et les traites de la semaine.

Kathy est une pile électrique, toujours sur le pont pour faire avancer l’exploitation. Entre calculer les taxes pour provisionner la compta, tester le lait de certaines chèvres pour vérifier qu’il n’y a pas d’infection, faire la traite, s’occuper du potager et du désherbage, pas une minute pour s’arrêter !

Kathy teste le lait

Le pari du lait de chèvre

Dans la région du Waikato, les vaches sont les reines. J’ai d’ailleurs pu le constater lors de mon trajet en bus d’Auckland à Hamilton. Je m’attendais à voir des moutons à perte de vue mais je n’ai vu quasiment que des vaches ! Mais que font donc les chèvres des Bentham au milieu de tout cela ?

Doug et Kathy ont fait un pari il y a 20 ans. Celui de développer une production laitière caprine (de chèvre). Le cours du lait de chèvre a toujours été moins fluctuant que celui du lait de vache et plus fructueux. La coopérative laitière caprine voisine a développé, à peu près à cette époque, une recette de lait en poudre pour bébé.

Avec une commercialisation principale en Nouvelle-Zélande, en Australie et en Asie, la coopérative a souhaité étendre son marché à l’Europe. Mais l’on n’entre pas sur le marché européen aussi facilement ! Pour avoir l’autorisation de l’Union Européenne, ils ont dû produire une étude démontrant les bienfaits du lait de chèvre pour les bébés. C’est ainsi que le lait pour nourrissons de Nouvelle-Zélande est en train de débarquer chez nous ! Les principaux pays de commercialisation : l’Espagne, la France et l’Allemagne.

Le cours plus stable du lait de chèvre combiné à la valeur ajoutée de la commercialisation de la poudre pour bébés, assurent des revenus stables et confortables aux éleveurs caprins. C’est aujourd’hui la partie caprine de la ferme qui fait vivre toute l’exploitation.

Quelques semaines avant mon arrivée, ils ont inauguré leur nouvelle salle de traite : 90 places sur une plateforme rotative (photo). Cette nouvelle construction a vraiment changé leur vie : de presque 7h de traite par jour (3h30-4h le matin, 3h l’après-midi), ils sont passés à 4h-4h30 par jour ! Cela laisse plus de temps pour toutes les autres tâches et, croyez-moi, elles sont nombreuses !

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Ils sont encore en train de faire des ajustements pour optimiser l’utilisation de la roto (plateforme tournante de la traite). Notamment, pour l’instant il est nécessaire qu’une personne se tienne sur la plateforme pour s’assurer que les chèvres sortent bien. Ben oui, parce que les petites malines ont bien compris que si elles faisaient deux tours, elles avaient deux fois à manger ! Cela a d’ailleurs été ma mission. Kathy m’avait dit : « si elles ne sortent pas, tu les attrapes par la patte arrière et tu tires. N’aie pas peur de leur faire mal, elles sont solides ». Plus facile à dire qu’à faire ! Certaines pèsent jusqu’à 100 kg ! Et puis, j’avais vraiment peur de leur faire mal à la patte. La troisième fois où j’ai dû arrêter la plateforme parce que je n’arrivais pas à faire sortir une chèvre, j’ai compris qu’elles étaient plus têtues et plus solides que moi! Alors j’ai tiré plus fort, et ça a été beaucoup mieux ! Comme Kathy dit « you need to show them who is the boss ! ».

Kathy aimerait augmenter encore la production de lait de chèvre mais ils ont atteint le maximum de leur quota pour le moment. En effet, la coopérative impose à ses éleveurs des quotas à ne pas dépasser. Pourquoi ? Parce que si la production est trop importante, ils vont inonder le marché et faire baisser les prix. Or la coopérative souhaite pouvoir continuer à garantir à ses éleveurs de vendre au meilleur prix !

Et les vaches dans tout ca ?

En attendant d’augmenter leur quota, les Bentham envisagent tout de même d’autres investissements. En effet, une ferme du voisinage va se vendre aux enchères d’ici quelques semaines. Ils espèrent pouvoir l’acquérir afin d’augmenter leur production de lait de vache !

Je n’ai fait la traite des vaches qu’un matin. Une chevauchée en quad pour atteindre les pâturages puis pousser les vaches jusqu’à la salle de traite. Cette dernière a 20 places, 10 de chaque côté. Il faut juste faire pivoter les cups d’un côté puis de l’autre pour traiter alternativement chaque rangée. Pour 6 fois moins d’animaux, cela prend autant de temps que la traite des chèvres. Je pense qu’avec la nouvelle ferme ils auront des équipements plus récents et plus performants qui leur permettront de pouvoir augmenter la capacité de production sans passer la journée à la traite !

Conclusion

Les Bentham sont des agriculteurs très curieux et innovants comme nous pourrons le voir dans le prochain article du coin des innovations. D’ailleurs, Doug et Kathy se sont rendus en France il y a 2 ans pour visiter plusieurs exploitations caprines du côté de la Vendée ! Ils sont très curieux des pratiques des autres fermiers, de vos expériences et de la vie en général !

C’est étrange de voir la différence de culture de l’agriculture. Les fruits de la nature sont la principale ressource de la Nouvelle-Zélande. Ils traitent la nature avec le plus grand respect. D’un autre côté, les grosses fermes qui choquent tant en France, ne fait pas lever un sourcil ici. J’ai la sensation que le fait que les fermes grossissent ne les dérange pas et que c’est même normal. Après, je me trompe peut-être, je ne suis qu’au début de mes rencontres néo-zélandaises !

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4 thoughts on “Bienvenue à la ferme des Bentham

  1. ROBIN VALERIE dit :

    Maintenant que tu t’achemines à devenir une pro dans ce domaine, n’oublie pas que, pauvres de nous, nous avons besoin de vulgarisation Laure-Line.
    Par exemple, peux-tu nous expliquer ce qu’est un backpaker, stp?
    Toutes mes félicitations pour ce que tu viens d’écrire: c’est fort intéressant!
    Pour ma part, je suis captivée par tes écrits, éblouie par tes photos et attends les prochains articles avec impatience!
    Bravo Laure-Line!

    1. Laure-Line dit :

      Bonjour Valérie !
      Un backpacker c’est quelqu’un qui sillonne les routes avec son sac à dos!
      Merci pour ces mots encourageants!

  2. Patrice dit :

    Sublime commentaire de fond, tu décris tout superbement comme je souhaitais l’entendre ! Beau commentaire de terrain. Bravo Laure-Line

    1. Laure-Line dit :

      Merci ! :)

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