Paysans d'Avenir

– Embarquez dans l'aventure

Entretien avec Claudia Heid – Agroforesterie en Bolivie

20 octobre 2016


Développer l’agroforesterie en Bolivie,

le retour d’expérience de Claudia Heid

Agroforesterie à Cochabamba - Claudia

Il y a 20 ans Claudia est arrivée en Bolivie. A l’époque, elle travaillait dans une ONG de coopération suisse (Fondation Agrecol Andes) qui avait un projet de développement de l’agriculture biologique bolivienne. Elle avait rencontré son époux bolivien David en Suisse dans une bibliothèque où tous les deux étudiaient activement l’agriculture durable.

En 2002, ils décident de s’installer à Tiquipaya et d’exploiter leur terrain en agroforesterie.

Pourquoi avoir choisi Tiquipaya pour vous installer il y a 14 ans ?

Nous habitions déjà dans le coin lorsque nous sommes arrivés en Bolivie il y a 20 ans et nous cherchions un terrain suffisamment grand pour pouvoir construire notre maison où élever nos trois enfants et créer une petite exploitation familiale respectueuse de l’environnement. Cette partie de la région est l’une des seules à bénéficier en permanence d’un accès à l’eau pour la maison et c’était pour nous un critère essentiel.

Au départ, il y avait ici 4 parcelles de terrain cultivées en fleurs. En 4-5 ans, nous avons pu acheter ces quatre parts et construit la maison et les terrasses de culture.

Un champ de fleurs voisin

Un champ de fleurs voisin

Quelles ont été les difficultés auxquelles vous avez fait face à votre installation ?

La culture de fleurs demande l’usage de beaucoup d’engrais et de pesticides. Nos terrains étaient donc très dégradés au démarrage. A vrai dire, la seule chose qui poussait ici, c’était des cailloux !!

Notre première décision, pour remettre les sols en état, a été de mettre le sol en terrasse afin de limiter l’érosion des sols. Nous sommes au pied de la montagne et notre terrain est en pente. Chaque pluie emportait une grande quantité de sol.

Ensuite, nous avons opté pour un système de culture permettant de régénérer le sol : l’agroforesterie.

Nous avons planté de la vicia et de l’avoine sur tout le terrain. La première est une légumineuse ; cela signifie que grâce à une association avec les bactéries rhizobium elle va fixer l’azote de l’air. A la destruction de la plante, l’azote sera restitué au sol. Elle permet donc d’améliorer la fertilité du sol. L’avoine quant à elle développe un système racinaire important et profond qui permet une bonne aération du sol (notamment pour nos amis les vers de terre).

Nous n’avons jamais récolté ces deux plantes. Chaque année nous les réincorporions au sol de manière à le nourrir.

En parallèle, nous avons commencé à faire pousser des arbres ayant des propriétés de légumineuse et des fruitiers.

Un exemple d'arbre légumineux!

Un exemple d’arbre légumineux!

Nous avons également dû nous battre contre des préjugés. En effet, il y a une croyance populaire selon laquelle si tu plantes des arbres au milieu des cultures cela créé une concurrence. Alors quand nous avons commencé à planter des arbres entre nos toutes petites parcelles, les voisins n’ont pas compris. Encore lorsque l’on plante des arbres fruitiers c’est « acceptable » car ils produisent quelque chose mais les autres arbres, je ne te dis pas !

Les paysans du coin nous prennent un peu pour des fous car on ne cultive pas comme eux. Nous continuons de ressentir ce fossé entre eux et nous. Au quotidien nous devons par exemple sans cesse nous battre pour avoir accès à l’eau pour les cultures. Les autres paysans considèrent que vu que nous ne cultivons pas de fleurs nous n’avons pas besoin d’eau !

Un arbre fruitier, le tamarillo ou arbre à tomates

Un arbre fruitier, le tamarillo ou arbre à tomates

Pourquoi avoir choisi de développer l’agroforesterie ?

Tout d’abord parce que c’est un système durable.

Ensuite, nous sommes situés dans le parc national de Tunari et pour nous c’était important d’être en adéquation avec notre environnement.

Quelles sont les difficultés de ce système ? Ses avantages ?

Il faut être conscient que ce système de culture demande beaucoup de travail physique. Dans la région, le travail du sol se fait à l’aide de bœufs. Sur notre exploitation, nous ne pourrions pas passer avec des bœufs, les parcelles de culture sont trop étroites.

Ce n’est pas une science exacte, il faut tester, observer, etc. La patience est donc nécessaire !

Les avantages… ils sont innombrables !

Il y a beaucoup de bienfaits, sur la diversité, le climat, la sécurité alimentaire (avec notamment une production diversifiée), plus de résistance aux catastrophes naturelles, amélioration de la fertilité du sol, économie de l’eau, moins de maladies, etc.

Je trouve que ce système est l’un des plus équilibrés.

Par exemple, cette année (2016), nous avons eu une grande sécheresse et notre production de fruits a été affectée. Cependant, nous avons beaucoup d’arbres fruitiers différents : certains ont peu produit alors que d’autres ont une production qui a explosé. Si nous avions eu une seule variété de fruit et que celle-ci n’avait pas bien résisté à la sécheresse, nous aurions tout perdu. La diversité de culture nous permet d’améliorer notre sécurité alimentaire !

Tu as travaillé dans le développement de l’agriculture biologique en Bolivie, peux-tu nous dire quelques mots sur la nécessité de développer ce système et les difficultés ?

Je pense que le développement de l’agriculture biologique en Bolivie est primordial. Les deux légumes les plus consommés dans notre pays sont le piment et la tomate qui bénéficient d’une quarantaine d’applications de produits chimiques interdits en Europe. Le nombre de cancers a incroyablement augmenté ces dernières années…

En parallèle, pour les producteurs, il n’y a pas d’études sur le bio en Bolivie. Il est donc nécessaire d’expérimenter par soi-même. Cela demande beaucoup de patience et de curiosité. Il faut d’autant plus de détermination qu’il n’y a pas encore de conscience du consommateur donc même si tu travailles plus, tu ne peux pas vendre tes produits plus chers.

Quelles sont vos perspectives d’avenir ?

Nous avons le projet de créer un espace d’éducation et de diffusion de l’information tant pour les gens de la ville que les autres paysans. Nous voulons véritablement faire des échanges de connaissances pour les enfants, les profs, les paysans.

Ce projet se construit petit à petit mais c’est un processus lent. A nous deux, c’est compliqué de tout faire. Nous cherchons à mettre en place un nouveau système pour l’avenir en travaillant avec des woofers et des étudiants.

David, l'époux de Claudia

David, l’époux de Claudia

Entretien avec : Maria Teresa Nogales – Alternativas

10 octobre 2016


L’amélioration de la Sécurité Alimentaire par la création d’un jardin maraîcher à La Paz, capitale de la Bolivie

Le 4 juin dernier, j’étais de retour à La Paz, après quelques jours passés à Sucre où j’avais découvert le travail d’IPTK et l’agriculture urbaine.

Ce samedi-là, j’avais rendez-vous dans le centre de la capitale bolivienne avec Maria Teresa Nogales, directrice de l’ONG Alternativas afin de visiter le premier jardin maraîcher de Bolivie créé en mai 2014, rien que cela.

Alternativas a pour but la promotion de l’agriculture urbaine en Bolivie notamment par la création de jardins maraîchers permettant aux populations de se réapproprier leur alimentation.

Nous nous retrouvons vers 10h30 à la Plaza Avaroa. Sarah, l’amie qui m’héberge à La Paz m’accompagne pour faire la traduction et parce qu’elle est curieuse de nature.

Nous apercevons Maria qui nous attend à un carrefour, elle est très élégante avec son grand chapeau de paille, idéal pour travailler la terre.

Jardin maraîcher à La Paz - Maria-Theresa l'instigatrice du projet à La Paz

Jardin maraîcher à La Paz – Maria-Theresa l’instigatrice du projet à La Paz

Les présentations faites, nous prenons le bus bolivien (une sorte de camionnette aménagée) pour nous rendre au jardin. Le véhicule circule entre les immeubles et grimpe sur les hauteurs de la ville, là, dans un virage, il nous laisse devant un grand portail, nous voici arrivées.

Jardin maraîcher à La Paz - Maria-Theresa l'instigatrice du projet à La Paz

Jardin maraîcher à La Paz – Maria-Theresa l’instigatrice du projet à La Paz

Lorsque nous pénétrons dans l’enceinte du jardin, c’est un tout autre monde qui s’ouvre à nous. Face à nous, une première allée de petites parcelles de cultures se dessine : de la couleur partout, du matériel de récupération, des tomates, des serres, des fleurs, des épouvantails. On se croirait dans un monde merveilleux sorti tout droit d’un conte pour enfant.

Mais avant de vous faire entrer dans ce lieu, apprenons-en un peu plus sur son histoire.

Inspiration américaine, réalisation bolivienne

C’est Maria qui est à l’origine de sa création. Il y a quelques années, elle revenait de ses études aux Etats-Unis avec une idée en tête : recréer à La Paz un concept découvert là-bas, les jardins maraîchers.

Maria, pourquoi avoir voulu recréer ce type de jardins maraîchers dans votre pays natal ?

En 2007, nous avons eu en Bolivie une crise alimentaire majeure. Le prix des denrées s’est littéralement envolé et malgré quelques baisses depuis, les prix n’ont jamais retrouvé leur base de départ. Pour les familles urbaines, il a été très difficile de faire face à cette crise, d’autant plus que les salaires, eux, n’ont pas augmenté. L’idée du jardin, est née pour permettre à des familles d’assurer leur Sécurité alimentaire, de garantir leur accès à de la nourriture saine.

Ainsi, dès son retour, elle se met en quête d’un lieu d’installation et découvre cet ancien parc municipal laissé à l’abandon, malfamé et devenu le théâtre de divers crimes. Elle mène alors un combat face à la mairie pour persuader le maire de lui mettre à disposition ce bout de terre pour la réalisation de son projet.

Le maire finit par céder et le jardin maraicher est inauguré en mai 2014, néanmoins, il n’accorde aucune aide pour sa création.

Le travail commence tout de suite avec quelques bénévoles : il faut tout d’abord nettoyer l’ancien parc pour pouvoir l’aménager. L’état du lopin de terre était si déplorable qu’il leur a fallu quatre mois pour le décrasser entièrement.

A l’ouverture, du jardin en septembre 2014, l’association accueille 10 familles de La Paz et augmente sa capacité en quelques mois jusqu’à 40 familles.

Chaque famille reçoit une parcelle de 16m² et pour montrer sa fierté affiche un petit panneau avec soit son nom ou quelques mots poétiques. Le jardin regroupe une quarantaine de parcelles. Aujourd’hui, la liste d’attente est longue pour en obtenir une.

Jardin maraîcher à La Paz - Maria-Theresa l'instigatrice du projet à La Paz

Les joyeux !

En premier lieu, les candidats doivent réaliser deux semaines de bénévolat dans le jardin afin de leur permettre de prendre conscience du travail que cela représente et de tester leur motivation. Si après cet essai, ils sont toujours partants, ils sont inscrits sur la liste d’attente. Une parcelle se libère lorsqu’une famille a trop d’absences. Au bout de trois semaines sans venir, la famille se voit retirer sa parcelle.

Une serre à tomates du jardin maraicher

Une serre à tomates du jardin maraicher

Aujourd’hui, sept personnes travaillent pour Alternativas. Deux agronomes à temps partiels interviennent trois jours par semaine pour aider et conseiller les familles et bénévoles sur leurs parcelles mais aussi pour donner des formations : la recette d’un bon compost, apprendre à préparer sa terre, trier ses poubelles pour faire du compost, faire ses propres semences, etc.

Changer les idées reçues : faire pousser des tomates à 4000m d’altitude

A La Paz, il y a une sorte de croyance selon laquelle, à cause de l’altitude, uniquement la patate pousserait. Alternativas a dû faire un gros travail pour inscrire dans l’esprit des familles que cultiver autre chose est possible. Les parcelles de démonstration des agronomes jouent là un rôle primordial pour prouver que : oui, même à presque 4000m d’altitude, il est possible de cultiver tomates, carottes et salades !

Aujourd’hui, Maria est fière de voir que les mentalités ont évolué. Au départ, uniquement les mères de famille venaient travailler au jardin. Puis, leurs enfants se sont joints à elles pour les aider et profiter d’un moment au vert. Maintenant, même les maris s’y mettent ! Ils ont appris à économiser l’eau, à respecter la nature, ne pas tuer les abeilles, etc. C’est une belle réussite !

Dans le même temps, Alternativas propose des animations auprès des écoles afin de sensibiliser les enfants sur l’agriculture et l’alimentation.

Épouvantable épouvantail !

Épouvantable épouvantail !

Développer les jardins maraîchers à travers la Bolivie

Pour le moment, Alternativas n’a pas les moyens d’ouvrir d’autres parcelles sur ce jardin. L’espace ne manque pas mais les fonds sont rares.

L’association souhaite participer au développement de ce genre d’initiative à La Paz et à travers toute la Bolivie. Cependant, Maria explique que monter un jardin prend beaucoup de temps et d’énergie et qu’Alternativas ne peut pas porter tous ces projets. Leur idée est de créer avec ce premier jardin une véritable vitrine de réussite afin de sensibiliser les acteurs du développement des villes et faire germer dans d’autres esprits l’idée de créer d’autres lieu comme celui-ci. Ils seront là pour donner des pistes, soutenir les porteurs de projet et les conseiller !

A bon entendeur… 😉

Rencontre avec Gregoria Espinoza à Sucre

2 septembre 2016


Le pain, source d’égalité et de développement

Sucre, surnommée la ville blanche, toutes les maisons étant d’un blanc éclatant, se situe à quelques 700 km de La Paz. Perchée à « seulement » 2700 mètres d’altitude, son climat est bien plus clément qu’à la capitale bolivienne et on trouve dans ses alentours de nombreuses exploitations familiales maraîchères. Mais aujourd’hui, nous nous intéressons à un autre maillon de la chaîne alimentaire.

Gregoria Espinoza est bénéficiaire d’un projet de l’ONG IPTK* dont je vous ai déjà parlé (par ici) et qui a 40 ans aujourd’hui.

Depuis quelques années, une fois tous les 10 jours, Gregoria se transforme en boulangère !

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Récit de moisson

16 août 2016


Une journée de moisson avec Sylvain Hauchard, administrateur à Vivescia

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Mercredi 27 août 2016

Je suis arrivée vers 9h ce matin-là après avoir tourné un peu dans le village de Wagnon. Comme quoi, même dans un village d’une centaine d’habitants, il est possible de se perdre !

Je me garais donc dans la cour et téléphonais à Sylvain pour que l’on se retrouve.

Début de journée: actualités et réflexions

Lui, avait démarré sa journée à 6h : lecture de ses mails, regard sur la météo locale et mondiale, mise à jour de son agenda avec toutes les convocations reçues la veille et visite et paillage* des 128 vaches de l’exploitation. Il en avait abattu du travail en trois heures de temps ! [*nettoyage des espaces et remettre de la paille]. 

L’installation des jeunes agriculteurs à Tsiromandidy, Madagascar

13 mai 2016


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Ayant travaillé pendant deux ans au sein du syndicat des Jeunes Agriculteurs d’Ile-de-France en tant que conseillère à l’installation (entre autres tâches), je me réjouissais de rencontrer l’APDIP (Association des Paysans pour le Développement Inter-Professionnel) et de découvrir son programme d’aide à l’installation des jeunes. 

L’APDIP a été créée en 1997 en partenariat avec Afdi Bretagne (Agriculteurs Français et Développement International.). Son but était, au départ, d’accompagner quelques familles rurales à développer leur agriculture. Aujourd’hui, l’association regroupe 221 membres dans toute la région de Bongolava, répartis en 21 groupements locaux.

Rendez-vous à Thanh Yên avec Lo Van E, chef d’un groupement de producteurs de porcelets

8 mai 2016

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La maison de Lo Van E à l’intérieur

Le village de Thanh Yên au nord du Vietnam, dans la région de Dien Bien Phu, est historiquement spécialisé dans la production de porcelets. En effet, c’est la principale activité de 80-90% des habitants.

Entrepreneurs du Monde a, depuis plusieurs années, un technicien agricole qui suit les éleveurs et leur donne des formations. Cependant, Lo Van E m’explique que les formations étaient toujours théoriques si bien que les paysans, une fois seuls sur leurs exploitations, se sentaient bien démunis pour mettre en pratique leurs connaissances. C’est pourquoi cette année, Entrepreneurs du Monde teste une nouvelle manière de former les paysans.