Paysans d'Avenir

– Embarquez dans l'aventure

Récit sans queue, ni tête sur la RN7 entre Fianarantsoa et Ranohira

10 mai 2016


Mardi 3 mai, je quittais Fianarantsoa pour Ranihira où se trouve le parc national d’Isalo (prononcer Ichale). Un nouveau voyage en taxi-brousse sur la RN7, encore toute une aventure.

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J’avais réservé une place à l’avant. On m’avait dit que c’était la meilleure place car plus d’espace. Ça l’était effectivement… les deux premières heures à attendre au stationnement, seule à bord. Le départ était prévu à 9h et je me faisais une joie d’arriver en début d’après-midi et d’avoir ainsi le temps d’organiser ma journée du lendemain, finir mon article sur les porcelets, etc.

Donc comme c’est l’usage à Madagascar, nous sommes partis deux heures plus tard, à 11h. La plupart des gens ne sont montés dans le taxi qu’au moment du départ. C’est à ce moment que l’on m’a collé un géant à côté de moi. Pour l’espace, c’était fichu ! Néanmoins, il s’est révélé être une crème et surtout, je n’étais pas mécontente qu’il vienne s’installer entre le chauffeur et moi, son odeur m’agressant les narines et son regard me mettant mal à l’aise.

Nous voici donc partis sur les routes à 30 km/heure.

Je me dis qu’à cette vitesse, nous ne sommes pas arrivés. Ranohira ne m’a jamais semblé aussi loin ! Même lorsqu’il n’y a pas de trou sur la chaussée, le chauffeur reste à 30km/h. J’avais déjà fait une croix sur mon temps libre de l’après-midi, mais là, je commençais à me demander si nous arriverions avant la nuit !

De chaque côté de la route défilent des rizières et des villages. Qu’est-ce que j’aperçois ? Des gros nuages de… de quoi au juste ? De gros insectes ? De petits oiseaux ? Difficile à dire, ils sont bien trop loin. En tout cas, ce sont des nuées entières.

Nous sommes partis depuis une heure maintenant. Pourtant, nous avons fait la même portion de la RN7 que j’ai fait hier avec Abel, en 30 minutes. Je sens le découragement m’atteindre !

Et je suis énervée ! Mais je ne sais pas pourquoi. Cette voiture qui n’avance pas ? Ce chauffeur qui attend que l’on soit à 10 km/h dans les montées pour, enfin, rétrograder ? Le soleil qui, comme par hasard, est une fois de plus de mon côté et me tape dessus ? Ou bien l’Etat qui ne répare pas la route ? Et cette question qui me taraude : combien de trous sur les routes pourrait-on réparer avec le coût de la voiture du président de Madagascar ? Oui parce que lors de mon premier jour à Tana, j’avais croisé, le convoi présidentiel.

Je me souviens de cet échange : 

  • Il n’a pas honte de se balader dans une voiture à 50 000€ alors que plein de gens ont faim ?
  • 50 000€ ? Tu plaisantes ? Cette voiture, c’est au moins 200 000 € !

Et c’était sans compter les voitures des ministres, conseillers et autres accompagnateurs. Un vrai défilé !

Il faut aussi parler de la corruption. Je ne l’ai pas vue moi-même mais beaucoup de Malgaches m’en ont parlé, que celle-ci empêche de faire avancer le pays. Il y a bien un bureau anti-corruption mais les fonctionnaires y travaillant n’osent pas dénoncer les pourris, de peur des représailles. Le bureau anti-corruption serait-il corrompu ?

C’est fou qu’un pays aussi riche que Madagascar voit 92% de sa population vivre en-dessous du seuil de pauvreté (2$ par jour). Salaire minimum ? 80€ par mois. Et pourtant les prix sont sacrément élevés ! Une inflation qui peut dépasser les 5% (2012 : 5,88% ; en France, la même année : 1,5%). Même pour ceux qui ont fait des études, la vie n’est pas évidente. Beaucoup de jeunes sortent de l’école, de l’université et ne trouvent pas de travail. Tiens, ça me rappelle un peu la France.

Sauf qu’ici, vous avez en plus: des saphirs, des baobabs, des lémuriens, de l’or, une faune et une flore endémique, etc.

Deckie, mon guide de Fianarantsoa, m’a dit que les Malgaches ne peuvent pas entreprendre seuls. En général, après quelques années, la corruption pointe le bout de son nez et des mal-gérances apparaissent. Il soutient qu’il faut qu’il y ait un européen qui soit dans le projet pour que cela fonctionne. Je ne sais pas s’il a raison ou tort. Dans tous les cas, c’est dramatique.

Tiens, un nouveau nuage des mêmes bestioles volantes non identifiées. Hum, avec beaucoup d’observation, je penche pour de gros insectes. Des sortes de libellules avec un gros corps. Il faut que je pense à changer de lunettes à mon retour ! Ah non, ce sont des criquets ! Les cultures sont complètement massacrées sur leur passage, il n’y a même plus un seul grain de riz à récolter.

La route se poursuit et mes camarades insectes disparaissent derrière nous.

Vers 13h, le chauffeur s’arrête dans une gargote pour déjeuner. Une gargote est un petit cabanon en bois ou une petite maison qui propose à manger. Je n’ai pas vraiment faim et le lieu ne m’inspire pas. En allant aux toilettes, j’ai croisé un homme dans l’arrière-cour en train de plumer les poulets. Je me contente de quelques morceaux de ma brioche achetée la veille.

20 minutes plus tard, nous remontons en voiture. Mon énervement est parti avec ma brioche. Comme quoi, ne jamais sous-estimer le pouvoir d’une bonne viennoiserie !

Je plains mon pauvre géant. Je ne fais que gigoter dans un sens, puis dans l’autre avec mon énorme sac à dos sur les genoux. Celui-ci pesait 8 kg à mon départ de Fianarantsoa. Il me semble qu’il s’alourdit à mesure que les heures passent. Là, il a dépassé les 10 kg.

La route semble être meilleure sur cette portion. Nous faisons même une pointe à 100 km/h, c’est dire ! Le soleil descend petit à petit et ça y est je l’ai en plein sur le visage. Je me sers de mon écharpe pour me protéger le bras droit des coups de soleil. Le bronzage de camionneur anglais, non merci ! Pourquoi anglais ? Je suis du côté passager, donc du côté des volants anglais. Maintenant, j’ai même mon châle à moitié sur la tête pour me protéger le cou et le visage. Pas très pratique pour observer la route et le paysage changeant. A mesure que nous avançons, il y a de moins en moins de rizières et la terre devient roche.

J’essaye de dormir pour faire passer le temps. Je me réveille 15 minutes plus tard, la tête calée contre l’épaule de mon voisin. Oups… Je fais mine de ne pas m’en être rendu compte.

Je suis contente d’avoir quitté Fianarantsoa. A Paris, j’aime me balader dans la rue en me fondant dans le décor. Passer inaperçue et pouvoir observer les gens et les bâtiments, sont des vrais plaisirs. A Madagascar, impossible ! C’est marqué sur votre peau que vous êtes un « vahaza », un étranger. A Fianarantsoa, tout particulièrement. J’ai eu droit à des « psssss », des « chériiie » et « bonjour chérie » (plus poli), de la part de beaucoup d’hommes. J’étais extrêmement mal à l’aise dans la rue. Pour la discrétion, c’était loupé. J’étais d’autant plus étonnée qu’à Antsirabé, personne ne me prêtait attention.

Avec les femmes, c’est différent. Nos regards se croisent, je leur lance un sourire, elles me le rendent et nous nous saluons d’un timide bonjour. J’adore passer près des femmes avec enfants et regarder ces adorables bambins.

Penser à ces femmes, me fait penser à Suzanne. Quelle femme extraordinaire ! N’ayant pu trouver de travail à Antananarivo à la fin de ses études, elle est retournée auprès de ses parents, dans son village natal à Betaporka. A cette époque, on lui répète que la femme n’a pas de valeur. Elle a décidé de faire taire ces mots et a regroupé les femmes du village. Le groupement s’est réuni autour d’une activité, la vannerie !

Nous avons passés Ihosy et maintenant, la route est presque droite et presque parfaite. Il nous reste encore 90 km sur les 240 de départ. J’aimerais pouvoir me téléporter ! Mon sac fait maintenant 15 bons kg sur mes genoux.

Je me demande si je me souviendrai de toutes ces pensées une fois devant ma page blanche ? Parfois, j’aimerais pouvoir faire en sorte que mes pensées puissent s’inscrire directement sur le papier, en corrigeant automatiquement les fautes d’orthographe, bien sûr !

J’aperçois maintenant le parc national. Nous sommes sur une (presque) plaine et sur notre droite, à quelques kilomètres, se dressent les falaises de l’Isalo.

Isalo

Isalo

Le soleil décroît petit à petit et les lumières du soir nous enrobent. Il descend jusqu’aux falaises, et disparaît derrière elles dans une douce couleur rouge.

Voilà, le taxi-brousse arrive à Ranohira. Encore quelques instants tranquilles, à l’étroit, à réfléchir avant de sortir dans la cohue de la ville et le harcèlement des taxis.

2 thoughts on “Récit sans queue, ni tête sur la RN7 entre Fianarantsoa et Ranohira

  1. Rock dit :

    I love reading these articles because they’re short but inaiomftrve.

  2. Merci pour ce récit et pour ce paysage magnifique du sud de Madagascar. Une vraie invitation de voyage

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