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La culture du coton dans la région de Tuléar à Madagascar, un drame écologique et social ?

10 juin 2016


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Dans la région de Tuléar, j’ai rencontré Justome, paysan à Ankililoaka sur une exploitation de 20,5 hectares (c’est assez grand à Madagascar). Il cultive du manioc (0,5ha), des haricots (4ha), des pois du Cap (2ha), du riz (7ha), de l’artémisia (2ha) et du coton (5ha).

Nous nous intéressons aujourd’hui à l’exploitation du coton. Implantée depuis 1982 dans la région de Tuélar, cette culture a été mise en place par les Français via l’entreprise CFDT en collaboration avec l’IRSD (un institut de recherches sur les semences de coton).

Au départ, lorsque nous abordons la culture du coton, Justome ne me parle que des avantages. Pourtant, plus il parle et plus le tableau se noircit.

Le paysannat

Les paysans cultivent individuellement le coton ou l’artémisia tout en étant affiliés à une entreprise pour la vente. A Madagascar, on appelle ce système le paysannat.

Justome présente cette affiliation comme un avantage pour les paysans : l’entreprise leur fournit les semences ainsi que les produits phytosanitaires nécessaires (pesticides, herbicides, fongicides, engrais) qu’ils rembourseront à la fin de la saison (par prélèvement sur le prix d’achat de leur production). Bon, au final, aujourd’hui, ce système ne fonctionne plus véritablement car les paysans vendent en général au plus offrant à la récolte et pas nécessairement à l’entreprise qui leur a fait les avances.

Le fait d’être payé en bloc à la récolte représente un autre avantage de la culture du coton avancé par Justome. C’est une  rentrée d’argent importante pour les paysans qui permet de financer certains gros besoins.

Enfin, le prix d’achat du coton est fixé au début de la saison. Les paysans savent qu’ensuite ils devront soustraire 30 à 40% du montant pour rembourser les semences et les produits phytosanitaires. Le prix fluctue en général entre 1000 et 1150 Ariary par kilogramme (soit entre 0,27€ et 0,31€) mais il est arrivé qu’il tombe à 850 Ar (0,23€).

J’ai demandé à Justome combien lui coûtaient tous les intrants (pesticides, herbicides, fongicides et engrais). Pour les semences, il dépense 1 million d’Ariary (270,90€) pour 5 hectares de culture. Pour le reste, Justome n’a pas su me donner un prix, il répète juste que c’est 30% à prélever à la fin.

Le coût est globalement assez conséquent surtout lorsque, comme cette année, la récolte est assez mauvaise. En effet, cette année la saison des pluies  c’est longtemps faite attendre et le coton a énormément souffert de la sécheresse. La récolte prévoit d’être assez mauvaise.

Votre envoyée spéciale constate les dégâts de la sécheresse sur le coton

Votre envoyée spéciale constate les dégâts de la sécheresse sur le coton

Loin de s’améliorer

Depuis 1982, la culture du coton dans la région a bien changée. Jusqu’en 2010, la machine tournait bien. Au début de chaque saison (octobre), les entreprises cotonnières réunissaient les paysans afin de leur présenter la semence, les pesticides et engrais qu’ils allaient utiliser cette année. Les paysans étaient ainsi informés sur les produits qu’ils appliquaient, les précautions à prendre, etc.

Depuis 2010, le marché a bien changé. Trois opérateurs chinois et deux pakistanais sont entrés en scène et « exit » les réunions d’informations. Désormais, les paysans n’ont absolument aucune idée de ce qu’ils « balancent » dans leur champ. La plupart des produits sont même fournis sans fiche technique ! Justome m’a fait part de son inquiétude face à cette ignorance. Il se demande quelles sont les conséquences sur leurs terres et leur santé des produits qu’ils utilisent.

Ensuite, ils ont supprimé toutes les catégories de qualité de coton. Ils achètent tout le coton au même prix.

Le cycle du coton : Et un peu de pesticides… tous les 8 jours !

La saison du coton commence en octobre par un défrichage des terres. Les paysans brûlent ensuite les déchets verts sur les terres et labour.

Au mois de novembre et jusqu’au 20 décembre environ, ils sèment les graines. 8 à 10 graines tous les 15 à 20 centimètres. Plus tard, s’il y a trop de pousses qui ont prises, ils les enlèveront à la main.

Jusqu’à la récolte en avril-mai, ils feront 3 sarclages, c’est-à-dire qu’ils arrachent les mauvaises herbes à l’aide d’un sarcloir ou à la main.

A partir d’un mois après les semis, les paysans commencent l’application de pesticide : tous les 8 jours jusqu’à la récolte. Dans le genre pas écologique du tout, on ne fait pas pire me semble-t-il…

Un parasite du coton, présent malgré tous les passages de pesticides!

Un parasite du coton, présent malgré tous les passages de pesticides!

Concernant la fertilisation, les paysans en général épandent du fumier 30 jours après les semis puis appliquent un autre produit sur les feuilles.

La récolte a lieu aux mois d’avril et mai. A dire vrai, ils vont récolter trois fois sur ces deux mois. Les ramasseurs de coton collectent uniquement la partie blanche de la fleur. Le reste de la plante est laissé sur place, puis sera défriché et brûlé au mois d’octobre suivant.

Justome comptabilise environ 400kg de coton par hectare.

Les boules de coton sont ensuite envoyées dans une usine d’égrainage de la région. Les graines restent sur le territoire malgache pour être ressemées l’année suivante tandis que la fibre part directement à l’étranger. Les destinations principales ? La Chine et le Pakistan !

2 thoughts on “La culture du coton dans la région de Tuléar à Madagascar, un drame écologique et social ?

  1. Didier Antonio RABEVIAVY dit :

    Bonjour!

    je suis un fonctionnaire et je voudrais exploiter 10 ha de terrain agricole pour la culture de coton dans la région d’Ambato-boeny. Pour m’aider à dresser mon business plan, pourriez-vous m’envoyer des données (ex coût d’exploitation et autres) pour la production d’1 ha de coton.

    1. Laure-Line dit :

      Bonjour,
      Je pense qu’il serait plus simple que vous preniez contact avec des associations étant directement dans la région. Je n’ai pas toutes ces données. Bon courage pour votre projet :)

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