Paysans d'Avenir

– Embarquez dans l'aventure

Portrait d’Agriculteur : Nicolas Galpin, Jeune Agriculteur de l’Essonne en Agriculture de conservation

29 janvier 2017


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L’année dernière, lors de mon tour de la moisson, j’ai eu le plaisir d’aller passer une journée sur l’exploitation de Nicolas Galpin, céréalier dans l’Essonne, du côté d’Auvernaux. J’ai rencontré Nicolas lorsque je travaillais aux Jeunes Agriculteurs d’Ile-de-France ouest. Je me souviens, c’était quelques semaines après mon arrivée lors de l’Assemblée Générale du syndicat. Le thème était « quelles techniques culturales pour une agriculture francilienne durable ? ». Nicolas y présentait l’agriculture de conservation qu’il a adopté depuis 2009.

Merci Raymond – Startup parisienne actrice de la revégétalisation des villes!

7 décembre 2016


Cette semaine je vous emmène découvrir un bout d’agriculture à Paris.

« A Paris ? En pleine ville ? Mais tu marches sur la tête Laure-Line » me direz-vous.

Pas du tout ! Aujourd’hui, les grandes villes et notamment Paris vivent leur révolution verte. De plus en plus d’acteurs des villes, de particuliers et d’entreprises s’investissent pour redonner un peu de couleurs et de vie à nos agglomérations.

A Paris, notamment, poussent les initiatives comme Agricool, Sous les fraises ou encore, et c’est notre sujet du jour, Merci Raymond !

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Entretien avec Claudia Heid – Agroforesterie en Bolivie

20 octobre 2016


Développer l’agroforesterie en Bolivie,

le retour d’expérience de Claudia Heid

Agroforesterie à Cochabamba - Claudia

Il y a 20 ans Claudia est arrivée en Bolivie. A l’époque, elle travaillait dans une ONG de coopération suisse (Fondation Agrecol Andes) qui avait un projet de développement de l’agriculture biologique bolivienne. Elle avait rencontré son époux bolivien David en Suisse dans une bibliothèque où tous les deux étudiaient activement l’agriculture durable.

En 2002, ils décident de s’installer à Tiquipaya et d’exploiter leur terrain en agroforesterie.

Pourquoi avoir choisi Tiquipaya pour vous installer il y a 14 ans ?

Nous habitions déjà dans le coin lorsque nous sommes arrivés en Bolivie il y a 20 ans et nous cherchions un terrain suffisamment grand pour pouvoir construire notre maison où élever nos trois enfants et créer une petite exploitation familiale respectueuse de l’environnement. Cette partie de la région est l’une des seules à bénéficier en permanence d’un accès à l’eau pour la maison et c’était pour nous un critère essentiel.

Au départ, il y avait ici 4 parcelles de terrain cultivées en fleurs. En 4-5 ans, nous avons pu acheter ces quatre parts et construit la maison et les terrasses de culture.

Un champ de fleurs voisin

Un champ de fleurs voisin

Quelles ont été les difficultés auxquelles vous avez fait face à votre installation ?

La culture de fleurs demande l’usage de beaucoup d’engrais et de pesticides. Nos terrains étaient donc très dégradés au démarrage. A vrai dire, la seule chose qui poussait ici, c’était des cailloux !!

Notre première décision, pour remettre les sols en état, a été de mettre le sol en terrasse afin de limiter l’érosion des sols. Nous sommes au pied de la montagne et notre terrain est en pente. Chaque pluie emportait une grande quantité de sol.

Ensuite, nous avons opté pour un système de culture permettant de régénérer le sol : l’agroforesterie.

Nous avons planté de la vicia et de l’avoine sur tout le terrain. La première est une légumineuse ; cela signifie que grâce à une association avec les bactéries rhizobium elle va fixer l’azote de l’air. A la destruction de la plante, l’azote sera restitué au sol. Elle permet donc d’améliorer la fertilité du sol. L’avoine quant à elle développe un système racinaire important et profond qui permet une bonne aération du sol (notamment pour nos amis les vers de terre).

Nous n’avons jamais récolté ces deux plantes. Chaque année nous les réincorporions au sol de manière à le nourrir.

En parallèle, nous avons commencé à faire pousser des arbres ayant des propriétés de légumineuse et des fruitiers.

Un exemple d'arbre légumineux!

Un exemple d’arbre légumineux!

Nous avons également dû nous battre contre des préjugés. En effet, il y a une croyance populaire selon laquelle si tu plantes des arbres au milieu des cultures cela créé une concurrence. Alors quand nous avons commencé à planter des arbres entre nos toutes petites parcelles, les voisins n’ont pas compris. Encore lorsque l’on plante des arbres fruitiers c’est « acceptable » car ils produisent quelque chose mais les autres arbres, je ne te dis pas !

Les paysans du coin nous prennent un peu pour des fous car on ne cultive pas comme eux. Nous continuons de ressentir ce fossé entre eux et nous. Au quotidien nous devons par exemple sans cesse nous battre pour avoir accès à l’eau pour les cultures. Les autres paysans considèrent que vu que nous ne cultivons pas de fleurs nous n’avons pas besoin d’eau !

Un arbre fruitier, le tamarillo ou arbre à tomates

Un arbre fruitier, le tamarillo ou arbre à tomates

Pourquoi avoir choisi de développer l’agroforesterie ?

Tout d’abord parce que c’est un système durable.

Ensuite, nous sommes situés dans le parc national de Tunari et pour nous c’était important d’être en adéquation avec notre environnement.

Quelles sont les difficultés de ce système ? Ses avantages ?

Il faut être conscient que ce système de culture demande beaucoup de travail physique. Dans la région, le travail du sol se fait à l’aide de bœufs. Sur notre exploitation, nous ne pourrions pas passer avec des bœufs, les parcelles de culture sont trop étroites.

Ce n’est pas une science exacte, il faut tester, observer, etc. La patience est donc nécessaire !

Les avantages… ils sont innombrables !

Il y a beaucoup de bienfaits, sur la diversité, le climat, la sécurité alimentaire (avec notamment une production diversifiée), plus de résistance aux catastrophes naturelles, amélioration de la fertilité du sol, économie de l’eau, moins de maladies, etc.

Je trouve que ce système est l’un des plus équilibrés.

Par exemple, cette année (2016), nous avons eu une grande sécheresse et notre production de fruits a été affectée. Cependant, nous avons beaucoup d’arbres fruitiers différents : certains ont peu produit alors que d’autres ont une production qui a explosé. Si nous avions eu une seule variété de fruit et que celle-ci n’avait pas bien résisté à la sécheresse, nous aurions tout perdu. La diversité de culture nous permet d’améliorer notre sécurité alimentaire !

Tu as travaillé dans le développement de l’agriculture biologique en Bolivie, peux-tu nous dire quelques mots sur la nécessité de développer ce système et les difficultés ?

Je pense que le développement de l’agriculture biologique en Bolivie est primordial. Les deux légumes les plus consommés dans notre pays sont le piment et la tomate qui bénéficient d’une quarantaine d’applications de produits chimiques interdits en Europe. Le nombre de cancers a incroyablement augmenté ces dernières années…

En parallèle, pour les producteurs, il n’y a pas d’études sur le bio en Bolivie. Il est donc nécessaire d’expérimenter par soi-même. Cela demande beaucoup de patience et de curiosité. Il faut d’autant plus de détermination qu’il n’y a pas encore de conscience du consommateur donc même si tu travailles plus, tu ne peux pas vendre tes produits plus chers.

Quelles sont vos perspectives d’avenir ?

Nous avons le projet de créer un espace d’éducation et de diffusion de l’information tant pour les gens de la ville que les autres paysans. Nous voulons véritablement faire des échanges de connaissances pour les enfants, les profs, les paysans.

Ce projet se construit petit à petit mais c’est un processus lent. A nous deux, c’est compliqué de tout faire. Nous cherchons à mettre en place un nouveau système pour l’avenir en travaillant avec des woofers et des étudiants.

David, l'époux de Claudia

David, l’époux de Claudia

Entretien avec : Maria Teresa Nogales – Alternativas

10 octobre 2016


L’amélioration de la Sécurité Alimentaire par la création d’un jardin maraîcher à La Paz, capitale de la Bolivie

Le 4 juin dernier, j’étais de retour à La Paz, après quelques jours passés à Sucre où j’avais découvert le travail d’IPTK et l’agriculture urbaine.

Ce samedi-là, j’avais rendez-vous dans le centre de la capitale bolivienne avec Maria Teresa Nogales, directrice de l’ONG Alternativas afin de visiter le premier jardin maraîcher de Bolivie créé en mai 2014, rien que cela.

Alternativas a pour but la promotion de l’agriculture urbaine en Bolivie notamment par la création de jardins maraîchers permettant aux populations de se réapproprier leur alimentation.

Nous nous retrouvons vers 10h30 à la Plaza Avaroa. Sarah, l’amie qui m’héberge à La Paz m’accompagne pour faire la traduction et parce qu’elle est curieuse de nature.

Nous apercevons Maria qui nous attend à un carrefour, elle est très élégante avec son grand chapeau de paille, idéal pour travailler la terre.

Jardin maraîcher à La Paz - Maria-Theresa l'instigatrice du projet à La Paz

Jardin maraîcher à La Paz – Maria-Theresa l’instigatrice du projet à La Paz

Les présentations faites, nous prenons le bus bolivien (une sorte de camionnette aménagée) pour nous rendre au jardin. Le véhicule circule entre les immeubles et grimpe sur les hauteurs de la ville, là, dans un virage, il nous laisse devant un grand portail, nous voici arrivées.

Jardin maraîcher à La Paz - Maria-Theresa l'instigatrice du projet à La Paz

Jardin maraîcher à La Paz – Maria-Theresa l’instigatrice du projet à La Paz

Lorsque nous pénétrons dans l’enceinte du jardin, c’est un tout autre monde qui s’ouvre à nous. Face à nous, une première allée de petites parcelles de cultures se dessine : de la couleur partout, du matériel de récupération, des tomates, des serres, des fleurs, des épouvantails. On se croirait dans un monde merveilleux sorti tout droit d’un conte pour enfant.

Mais avant de vous faire entrer dans ce lieu, apprenons-en un peu plus sur son histoire.

Inspiration américaine, réalisation bolivienne

C’est Maria qui est à l’origine de sa création. Il y a quelques années, elle revenait de ses études aux Etats-Unis avec une idée en tête : recréer à La Paz un concept découvert là-bas, les jardins maraîchers.

Maria, pourquoi avoir voulu recréer ce type de jardins maraîchers dans votre pays natal ?

En 2007, nous avons eu en Bolivie une crise alimentaire majeure. Le prix des denrées s’est littéralement envolé et malgré quelques baisses depuis, les prix n’ont jamais retrouvé leur base de départ. Pour les familles urbaines, il a été très difficile de faire face à cette crise, d’autant plus que les salaires, eux, n’ont pas augmenté. L’idée du jardin, est née pour permettre à des familles d’assurer leur Sécurité alimentaire, de garantir leur accès à de la nourriture saine.

Ainsi, dès son retour, elle se met en quête d’un lieu d’installation et découvre cet ancien parc municipal laissé à l’abandon, malfamé et devenu le théâtre de divers crimes. Elle mène alors un combat face à la mairie pour persuader le maire de lui mettre à disposition ce bout de terre pour la réalisation de son projet.

Le maire finit par céder et le jardin maraicher est inauguré en mai 2014, néanmoins, il n’accorde aucune aide pour sa création.

Le travail commence tout de suite avec quelques bénévoles : il faut tout d’abord nettoyer l’ancien parc pour pouvoir l’aménager. L’état du lopin de terre était si déplorable qu’il leur a fallu quatre mois pour le décrasser entièrement.

A l’ouverture, du jardin en septembre 2014, l’association accueille 10 familles de La Paz et augmente sa capacité en quelques mois jusqu’à 40 familles.

Chaque famille reçoit une parcelle de 16m² et pour montrer sa fierté affiche un petit panneau avec soit son nom ou quelques mots poétiques. Le jardin regroupe une quarantaine de parcelles. Aujourd’hui, la liste d’attente est longue pour en obtenir une.

Jardin maraîcher à La Paz - Maria-Theresa l'instigatrice du projet à La Paz

Les joyeux !

En premier lieu, les candidats doivent réaliser deux semaines de bénévolat dans le jardin afin de leur permettre de prendre conscience du travail que cela représente et de tester leur motivation. Si après cet essai, ils sont toujours partants, ils sont inscrits sur la liste d’attente. Une parcelle se libère lorsqu’une famille a trop d’absences. Au bout de trois semaines sans venir, la famille se voit retirer sa parcelle.

Une serre à tomates du jardin maraicher

Une serre à tomates du jardin maraicher

Aujourd’hui, sept personnes travaillent pour Alternativas. Deux agronomes à temps partiels interviennent trois jours par semaine pour aider et conseiller les familles et bénévoles sur leurs parcelles mais aussi pour donner des formations : la recette d’un bon compost, apprendre à préparer sa terre, trier ses poubelles pour faire du compost, faire ses propres semences, etc.

Changer les idées reçues : faire pousser des tomates à 4000m d’altitude

A La Paz, il y a une sorte de croyance selon laquelle, à cause de l’altitude, uniquement la patate pousserait. Alternativas a dû faire un gros travail pour inscrire dans l’esprit des familles que cultiver autre chose est possible. Les parcelles de démonstration des agronomes jouent là un rôle primordial pour prouver que : oui, même à presque 4000m d’altitude, il est possible de cultiver tomates, carottes et salades !

Aujourd’hui, Maria est fière de voir que les mentalités ont évolué. Au départ, uniquement les mères de famille venaient travailler au jardin. Puis, leurs enfants se sont joints à elles pour les aider et profiter d’un moment au vert. Maintenant, même les maris s’y mettent ! Ils ont appris à économiser l’eau, à respecter la nature, ne pas tuer les abeilles, etc. C’est une belle réussite !

Dans le même temps, Alternativas propose des animations auprès des écoles afin de sensibiliser les enfants sur l’agriculture et l’alimentation.

Épouvantable épouvantail !

Épouvantable épouvantail !

Développer les jardins maraîchers à travers la Bolivie

Pour le moment, Alternativas n’a pas les moyens d’ouvrir d’autres parcelles sur ce jardin. L’espace ne manque pas mais les fonds sont rares.

L’association souhaite participer au développement de ce genre d’initiative à La Paz et à travers toute la Bolivie. Cependant, Maria explique que monter un jardin prend beaucoup de temps et d’énergie et qu’Alternativas ne peut pas porter tous ces projets. Leur idée est de créer avec ce premier jardin une véritable vitrine de réussite afin de sensibiliser les acteurs du développement des villes et faire germer dans d’autres esprits l’idée de créer d’autres lieu comme celui-ci. Ils seront là pour donner des pistes, soutenir les porteurs de projet et les conseiller !

A bon entendeur… 😉

Rencontre avec Gregoria Espinoza à Sucre

2 septembre 2016


Le pain, source d’égalité et de développement

Sucre, surnommée la ville blanche, toutes les maisons étant d’un blanc éclatant, se situe à quelques 700 km de La Paz. Perchée à « seulement » 2700 mètres d’altitude, son climat est bien plus clément qu’à la capitale bolivienne et on trouve dans ses alentours de nombreuses exploitations familiales maraîchères. Mais aujourd’hui, nous nous intéressons à un autre maillon de la chaîne alimentaire.

Gregoria Espinoza est bénéficiaire d’un projet de l’ONG IPTK* dont je vous ai déjà parlé (par ici) et qui a 40 ans aujourd’hui.

Depuis quelques années, une fois tous les 10 jours, Gregoria se transforme en boulangère !

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Portrait d’agriculteur :

23 août 2016


Sylvain Hauchard, agriculteur à Wagnon en Champagne-Ardenne

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Sylvain est polyculteur-éleveur dans le joli village de Wagnon. Avec sa femme, ils élèvent 128 vaches de race blonde d’Aquitaine et Charolaise, dont 45 mères allaitantes, et cultivent 250 hectares avec Luc, leur associé.

La passion de l’agriculture

Sylvain n’est pas fils d’agriculteur. La passion de l’agriculture l’a piqué lorsqu’enfant, il rendait visite à son grand-père. Ce dernier vivait dans un village agricole. Le meilleur ami de Sylvain dans le village était fils d’agriculteur et devait aider son père pour les différents travaux. Ainsi, si Sylvain voulait passer du temps avec son copain, il devait lui aussi aider aux champs. Et PAF c’est là qu’il a été piqué par le virus agricole !

A la fin de son année de troisième, il supplie ses parents de l’envoyer au lycée agricole. Refus catégorique. A l’époque, l’agriculture n’est pas vraiment vue comme une voie d’avenir.

Il a poursuivi ses études dans l’électronique et est même devenu enseignant.

Finalement, après quelques années de travail en tant qu’électronicien, il a repris le chemin de l’école afin de passer un Brevet de Technicien Agricole (BTA) en un an.

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De son installation à son association, chronique d’une ferme qui bouge

A ce même moment, dans le village de Wagnon un agriculteur cherchait un repreneur. Sylvain était déjà très épris de sa future femme et cela semblait une bonne occasion de construire leur vie.

Le cédant de la ferme a reçu 21 candidatures de personnes souhaitant reprendre la ferme et c’est Sylvain qu’il a choisi.

Notre agriculteur s’est alors installé en 1992 sur 70 hectares dont une partie reprise de son beau-père.

Tout est à faire sur l’exploitation. Les bâtiments n’avaient pas été mis aux normes depuis des années et étaient délabrés.

Sylvain a fait un premier emprunt pour acheter 35 vaches et un peu de matériel. Ce dernier acheté d’occasion, tombait souvent en panne. Sa femme travaillait à l’extérieur et c’est son salaire qui faisait vivre leur famille.

Ils ont rapidement eu l’occasion d’accroître leur surface en herbe et ont donc augmenté le cheptel. Cependant, l’exploitation vivait uniquement sur de la trésorerie mais sans capital. Sylvain a alors repris un emploi à temps partiel en tant qu’enseignant afin de compléter ses revenus. Ainsi, il alternait son temps entre ses 25h hebdomadaire d’enseignement et son travail sur l’exploitation.

Au bout de quelques années, il avait désormais l’argent pour investir dans l’exploitation mais n’avait plus le temps de s’en occuper ! Il a donc profité de l’argent épargné pour moderniser et mettre aux normes la ferme puis à cesser son activité salariée.

Dans le même temps, poussé par les annonces du Président Sarkozy à propos de l’introduction du bio dans les cantines scolaires, Sylvain a converti la partie viande de l’exploitation en agriculture biologique.

Ils ne sont restés en agriculture biologique que quelques années et ont cessé à cause d’une inspectrice trop zélée.

Je vous explique : le cahier des charges de l’élevage bovin bio stipule concernant la paille que celle servi dans les mangeoires doit être bio mais qu’il n’est pas nécessaire que celle utilisée pour pailler les enclos (mettre de la paille au sol pour les litières) soit certifiée. Mais voilà que l’inspectrice est scandalisée : elle aperçoit une vache qui mange de la paille que Sylvain vient de mettre au sol. Grand dieu, cette vache a ingéré peut-être 1kg de paille non issue de l’agriculture biologique ! Sylvain explique qu’il respecte parfaitement le cahier des charges. Effectivement, parfois, lorsque la paille vient d’être mise, les vaches en ingèrent un peu. Mais lui est en adéquation par rapport aux règles édictées. L’inspectrice n’a rien voulu savoir. Il lui a gentiment expliqué que si elle faisait un rapport là-dessus, il envoyait sa lettre de démission de l’agriculture biologique, ce qu’il a fait dès qu’elle est remontée dans sa voiture !

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Après le décès de son beau-père en 2009, sa femme a cessé son emploi salarié et a rejoint Sylvain sur l’exploitation en tant que co-gérante. Cela a été l’occasion d’entamer une réflexion sur l’organisation et l’avenir de la ferme. Ils ont notamment commencé les démarches pour certifier l’exploitation « agriculture raisonnée » et développer une activité de vente directe de viande.

Désormais, sa femme s’occupe de toute la partie viande : gestion des animaux, prise des commandes, préparation des colis, etc. Comme ils n’étaient plus en bio, ils ont cessé de vendre aux cantines. Ils ont alors choisi de ne garder que quelques clients et de vendre uniquement en direct et à la commande. Ainsi, chaque animal qui part à l’abattoir est déjà vendu entièrement. C’est ensuite sa femme qui s’occupe de préparer et livrer les colis. Ils n’abattent plus aujourd’hui qu’une dizaine d’animaux par an ce qui leur permet d’être rentable sans y passer trop de temps.

Son investissement dans sa coopérative

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Cliquez sur le logo pour visiter leur site internet !

En 1995, sa coopérative, VIVESCIA est venue le trouver pour lui proposer d’animer le comité des jeunes. Dans leur organisation, les « jeunes » ne définit pas une tranche d’âge mais les nouveaux adhérents de la coopérative.

Il a animé ce groupe jusqu’en 2001. L’un de ses rôles était notamment d’assister aux Conseils d’Administration (CA) de la coopérative. S’il n’avait pas le droit de vote, il pouvait tout de même participer aux débats. Ce système permet de faire entrer « en douceur » de nouvelles personnes dans le CA en les initiant progressivement aux débats et à l’importance des décisions. Il y entre officiellement en tant qu’administrateur en 2001 puis au bureau en 2008.

Sylvain s’est pris de passion pour sa coopérative. Il s’y investit autant que dans son exploitation. Il explique que la coopérative a pour but d’aider les agriculteurs à dégager plus de revenus. Vivescia est un outil des agriculteurs au service des agriculteurs. Elle les épaule à toutes les étapes, de l’achat des semences à la récolte et particulièrement dans les moments difficiles, comme la moisson 2016.

L’association, une solution au manque de temps

Lorsque Sylvain entre au bureau de VIVESCIA, son investissement en temps augmente de plus belle. Il a longtemps cherché un salarié suffisamment compétent et autonome pour l’épauler. Finalement, il comprend que c’est un associé qu’il lui faut. En 2012, il rencontre Luc, habitant dans le village de Puiseux à une dizaine de kilomètres de Wagnon. Pendant un an, ils se sont vus régulièrement pour réfléchir ensemble à leur association, à l’organisation, etc. Chacun voulait développer une entente durable et pour cela il fallait être d’accord sur tous les points.

En 2015, ils ont créé une SNC (Société en Nom Collectif) pour regrouper tout leur matériel et rémunérer le temps de travail sur les grandes cultures. Je m’explique.

Concernant la mise en commun du matériel, cela leur a permis de rationaliser leur parc de machines. Ils ont revendu les machines qu’ils avaient en double, acheté des machines plus performantes, etc…

Concernant la rémunération, il était important de fixer un système de paiement des heures de chacun à travailler pour les grandes cultures. En effet, comme Sylvain est beaucoup absent, car occupé à la coopérative, c’est Luc qui passe beaucoup plus de temps dans les champs pour faire avancer les travaux ! Chacun comptabilise donc ses heures et les déclare à la SNC qui les rémunère.

Cependant, ils perdaient encore beaucoup de temps sur les périodes de travaux agricoles. En effet, afin de s’organiser de manière équitable, ils travaillaient alternativement dans les champs de l’un puis de l’autre. Par exemple pour la moisson, lorsqu’ils récoltaient 20 hectares chez Luc, ils partaient ensuite chez Sylvain récolter 20 hectares puis revenaient chez Luc. Imaginez la perte de temps et d’argent ! Pour déplacer la moissonneuse, il est nécessaire de détacher la coupe et de l’accrocher à l’arrière de la machine puis la machine doit être escortée par une voiture avec un panneau orange « convoi agricole » sur les 12 km qui séparent les deux exploitations. De plus, en fonction du moment de la récolte, s’ils arrivaient quelques jours après la maturité dans un champ la qualité pouvait être dégradée.

C’est pourquoi depuis 2015, Luc et Sylvain ont décidé de passer à un nouveau niveau dans leur collaboration. Ils ont créé une nouvelle structure juridique leur permettant de mettre leur assolement en commun. Chacun a apporté dans cette entité toutes ses terres cultivées en grandes cultures (blé, orge, maïs, colza). Sylvain a apporté 48% des terres et Luc 52% de l’assolement global. Ils cultivent en tout 250 hectares.

Dorénavant, il n’y a plus un champ à Sylvain par ici et un champ à Luc par là. Il y a une entité globale et pour chaque récolte chacun gagnera l’équivalent de son pourcentage. Ils ont mutualisé à la fois la quantité (rendements) et la qualité. Par exemple : sur la parcelle de 60 hectares de colza que nous avons récolté lors de ma venue, Sylvain récupérera 48% des bénéfices tandis que Luc en gagnera 52%.

Pendant que Sylvain et moi moissonnons le champ, Luc est déjà en train d'épandre du lisier !

Pendant que Sylvain et moi moissonnons le champ, Luc est déjà en train d’épandre du lisier !

Pourquoi la mise en commun de l’assolement est-elle intéressante pour l’exploitation ?

Tout d’abord, finis les aller-retours inutiles d’une exploitation à l’autre simplement pour que les deux récoltes (et autres travaux) avancent simultanément. Chacun gagne autant sur toutes les terres. Ensuite, ils ont réparti les cultures par secteur : un secteur blé, un d’orge, un de colza et un de maïs. Cette répartition permet de diminuer encore les déplacements de machine pour tous les travaux : travail du sol, semis, traitement, récolte.

Autre avantage, si l’un d’entre eux à un imprévu, l’autre peut venir le remplacer. Par exemple, lors de ma venue pour une journée moisson, Sylvain a été appelé sur sa ferme au chevet d’une vache malade. Luc est venu prendre la relève dans la moissonneuse-batteuse de manière à ce que la récolte ne soit pas stoppée.

Pour conclure, Sylvain est un agriculteur passionné par son exploitation et sa coopérative.

Récit de moisson

16 août 2016


Une journée de moisson avec Sylvain Hauchard, administrateur à Vivescia

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Mercredi 27 août 2016

Je suis arrivée vers 9h ce matin-là après avoir tourné un peu dans le village de Wagnon. Comme quoi, même dans un village d’une centaine d’habitants, il est possible de se perdre !

Je me garais donc dans la cour et téléphonais à Sylvain pour que l’on se retrouve.

Début de journée: actualités et réflexions

Lui, avait démarré sa journée à 6h : lecture de ses mails, regard sur la météo locale et mondiale, mise à jour de son agenda avec toutes les convocations reçues la veille et visite et paillage* des 128 vaches de l’exploitation. Il en avait abattu du travail en trois heures de temps ! [*nettoyage des espaces et remettre de la paille].