Paysans d'Avenir

– Embarquez dans l'aventure

Portrait d’Agricultrice :  Suzanne Razafindravola (littéralement en malgache : petite fille de l’argent)

3 juin 2016


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Lorsque j’ai rencontré Suzanne, je suis tombée tout de suite sous son charme. Très élégante dans sa robe bleue et verte, elle m’a guidée à travers les rizières et les petits chemins de son village afin de m’en faire découvrir chaque recoin. Suzanne n’est pas simplement agricultrice, elle est aussi artisane, institutrice et… femme engagée. 

Suivons Suzanne

Suivons Suzanne

C’était un jeudi. Ne me demandez pas pourquoi je me souviens de de ce détail. Après 1h30 de moto sur des routes calamiteuses, j’arrivais au village de Betaporka dans la commune rurale de Andoharanomaintso (source d’eau verte). Le village regroupait une soixantaine de foyers parmi lesquels celui de Suzanne et sa famille.

Un brin bien décidé à montrer la valeur des femmes

      Suzanne, avec sa silhouette frêle, est un petit brin de femme de 60 ans. Née en 1956, elle a entendu répéter, depuis sa plus tendre enfance, que la femme n’a pas de valeur. Ses parents l’ont néanmoins envoyée à l’école (scolarisée) et elle a même continué ses études à Antananarivo, la capitale. Elle vit là-bas chez sa tante à partir de la 6ème. Dans les années 70, Suzanne a obtenu sa licence en lettres malgaches mais à cette époque, le chômage important ne lui a pas permis de trouver un emploi. Elle a donc repris le chemin du village et s’est réinstallée chez ses parents.

De retour, elle est bien décidée à montrer la valeur des femmes. Lorsqu’elle était à Antananarivo, elle a vu sur les marchés les créations en vannerie : des paniers, des dessous de plat, des porte-fruits, etc. Suzanne décide alors de réunir les femmes de son village autour de cette activité. Elles ont fondé ensemble le groupement FVM : FVM Fikambanan’ny (association) Vehivavy (femme) Nivoatsa (développement).

Grâce à divers programmes de développement, le groupement a pu suivre des formations pour apprendre à créer de nombreux objets : paniers, chapeaux, petits sacs. Cette nouvelle production leur a apporté un revenu supplémentaire et a prouvé par la même occasion qu’elles étaient capables de faire vivre leur famille. Suzanne m’a expliqué qu’avant la création de cette activité, beaucoup d’enfants quittaient l’école très tôt car leurs parents n’avaient pas assez d’argent pour payer les frais de scolarité. Aujourd’hui, non seulement les enfants sont tous scolarisés mais, en plus, en cas de soucis de santé, ils peuvent être soignés.

Un investissement sans faille pour sa communauté

      En 2002, Suzanne a créé l’école préscolaire dans la commune afin de dégager du temps de travail supplémentaire pour les femmes. Les enfants les plus jeunes vont désormais à l’école chaque matin jusqu’à 11h. Pendant ce temps, les femmes vaquent à d’autres occupations : vente au marché, arrosage du jardin maraîcher, vannerie, etc.

    En 2006, l’association fonde VFTM avec d’autres organisations paysannes. Ce nouveau regroupement leur permet à toutes ses organisations d’avoir plus de poids face aux autorités et pouvoir ainsi être entendues lors des prises de décisions.

     En 2012, une plateforme de concertation et d’appui aux filières artisanales s’est créée dans la région. Elle comporte trois axes : artisanat, miel et huiles essentielles. Suzanne est depuis lors la Présidente.

A vrai dire, à chaque fois qu’elle entend parler d’un projet, Suzanne fait la chasse aux informations pour pouvoir, si possible, aider les femmes de son groupement à y participer et développer toujours plus leurs revenus.

En résumé, Suzanne est une femme très active :

  • Présidente de son groupement de femme, FVM ;
  • Trésorière de VFTM ;
  • Présidente de la plateforme pour l’artisanat ;
  • Membre du FRDA (fonds régional pour le développement agricole).

Son temps se répartit entre trois jours à Fianarantsoa à siéger dans toutes ces organisations et le reste de la semaine au village.

La journée « type » de Suzanne, femme malgache (super) active

Lorsqu’elle est au village, Suzanne se lève aux aurores pour préparer le petit déjeuner de la famille. Femme la plus âgée après sa mère, c’est à elle que revient cette tâche familiale.

Elle prend ensuite la direction du chef-lieu pour enseigner aux préscolaires de 7h30 à 11h.

Après un déjeuner à la maison, elle s’occupe du périmètre agricole de la famille : rizière et maraîchage.

Arrosage du périmètre maraîcher avec de l'eau prise dans la rizière

Arrosage du périmètre maraîcher avec de l’eau prise dans la rizière

Sa journée se termine par quelques heures de vanneries.

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Des cultures diversifiées

La famille de Suzanne possède une rizière irriguée dans laquelle elle produit du riz en saison des pluies (octobre-mars) puis des tomates, des haricots et de la patate douce en période de contre-saison (lorsqu’il n’y a plus de pluie : avril-septembre).

L’introduction de la patate douce dans la région est assez récente. Il y a quelques années, l’association Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières Suisse a lancé un projet de développement de ce tubercule dans la région. Elle a enseigné aux femmes la production et l’utilisation de la patate afin d’améliorer les revenus et l’alimentation de la famille notamment en diversifiant les apports nutritionnels et ainsi limiter les carences.

Dans le périmètre maraîcher, Suzanne cultive des oignons, des courgettes, des haricots verts et des brèdes toute l’année. Le brède est un légume que l’on retrouve beaucoup dans la cuisine malgache. Il s’agit de feuilles qui se mangent cuites et délicieuses en romazava (prononcer romazave) (la recette par : ici). Le goût m’a quelque peu rappelé un mélange d’épinards et de blettes.

Il s’agit de productions principalement dédiées à l’alimentation de la famille. Néanmoins, les surplus sont vendus sur le marché local.

Sur une petite portion de terrain, elle cultive également la plante ci-dessous qui sera ensuite séchée et utilisée pour la vannerie.

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Une femme au grand cœur

Les années ont passé et Suzanne ne s’est jamais mariée. Elle m’explique que ses parents ont toujours été très stricts concernant le mariage entre ethnies. Elle devait nécessairement trouver un mari de la même ethnie qu’elle. A Antananarivo, là où elle a vécu la plus grande partie de sa jeunesse, cette ethnie était peu présente. A son retour au village, elle avait presque 30 ans, trop tard pour se marier dans la culture malgache. Sans enfant mais avec un grand cœur, Suzanne aide l’une de ses belles-sœurs, veuve, à élever les siens

La mère de Suzanne

La mère de Suzanne

3 thoughts on “Portrait d’Agricultrice :  Suzanne Razafindravola (littéralement en malgache : petite fille de l’argent)

  1. ROBIN dit :

    Petite fille de l’argent?????
    Pour moi, une femme en or, cette Suzanne!!!!!

  2. agathe dit :

    Une vraie femme et il y en a qui ose encore de nos jrs dire que les femmes malagasy n’ont aucune valeur ! Je loue cette femme, une grande image pour les jeunes

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