L’installation des jeunes agriculteurs à Tsiromandidy, Madagascar
Ayant travaillé pendant deux ans au sein du syndicat des Jeunes Agriculteurs d’Ile-de-France en tant que conseillère à l’installation (entre autres tâches), je me réjouissais de rencontrer l’APDIP (Association des Paysans pour le Développement Inter-Professionnel) et de découvrir son programme d’aide à l’installation des jeunes.
L’APDIP a été créée en 1997 en partenariat avec Afdi Bretagne (Agriculteurs Français et Développement International.). Son but était, au départ, d’accompagner quelques familles rurales à développer leur agriculture. Aujourd’hui, l’association regroupe 221 membres dans toute la région de Bongolava, répartis en 21 groupements locaux.
Depuis 2014, le réseau SOA (réseau Syndical des Organisations Agricoles) a lancé un programme en partenariat avec l’Union Européenne qui consiste à donner un coup de pouce aux jeunes paysans pour les aider à développer leur agriculture. C’est un peu l’équivalent de l’aide européenne même si les critères sont très différents. Je ne vais pas me lancer dans une comparaison qui risque d’être ennuyeuse pour la plupart des lecteurs. Néanmoins, si vous avez des questions, je me ferai un plaisir d’y répondre.
La mise en place au niveau locale se fait à travers des organisations paysannes membres du réseau SOA. Dans la région de Tsiraomandidy, c’est l’APDIP qui est en charge de ce programme qui a déjà installé 40 jeunes en deux ans et n’a connu que deux abandons. Les dossiers pour 2016 sont actuellement à l’étude et promettent d’être un bon cru.
Pour l’APDIP, ce programme est aussi une opportunité de faire entrer la nouvelle génération au sein de ses rangs.
Quels critères un jeune doit-il remplir pour bénéficier de ce « coup de pouce » ?
- Avoir entre 20 et 35 ans ;
- Avoir reçu une formation agricole (par exemple dans une maison de l’agriculture) ou être assisté de ses parents ;
- Etre adhérent de l’APDIP ;
- Savoir lire et écrire et compter ;
- S’engager à tenir un cahier d’exploitation (livre de compte) ;
- Avoir un compte en banque ;
- Trouver un « parrain » pour l’épauler.
Une procédure simple
Pour commencer, ce sont les groupements qui vont proposer différents jeunes éligibles au programme, leur trouver un parrain et se porter garants de leur sérieux.
Pour le jeune, la première étape est de choisir la production pour laquelle il souhaite recevoir l’aide. En effet, à Madagascar, la plupart des exploitations pratiquent l’agriculture familiale, c’est-à-dire que les agriculteurs font en général un petit peu de chaque production afin d’assurer une alimentation variée et des revenus diversifiés à leur famille. Ainsi, j’ai souvent trouvé sur les fermes un cochon, un zébu, quelques poules et une petite rizière. Dans le cadre du « coup de pouce », il s’agit de dépasser la simple autoconsommation et vendre leurs produits afin d’améliorer les revenus de l’exploitation.
Ensuite, le jeune doit constituer un dossier de projet professionnel. L’APDIP a embauché depuis 2014, un animateur « jeunes » qui se charge d’aider non seulement à l’élaboration du dossier mais également au suivi après l’installation.
Les dossiers anonymisés sont alors étudiés et sélectionnés par la commission « jeunes » de l’APDIP, constituée d’adhérents.
Les jeunes sélectionnés reçoivent ensuite le versement de l’aide sur leur compte en banque. Le montant dépend de la production et de la surface. En moyenne, il tourne autour de 240 €.
Et ces jeunes, qu’en disent-ils ?
J’ai pu discuter avec quelques jeunes installés, membres du Conseil d’Administration lors de ma participation à une formation sur l’entrepreneuriat et la créativité (ne me demandez pas le contenu de la formation, c’était tout en malgache).
Nous avons donc 5 jeunes autour de la table : Lova, Elysé, Gilbert, Josselin et Tongasoa.
Leur profil en quelques mots : (âge, production, année d’installation, groupement, fonction au sein de l’APDIP).
Lova : 36 ans, aviculture, 2014, présidente du groupement d’Ambararatapé, membre du Conseil d’Administration.
Elysé : 26 ans, aviculture, 2015, président du groupement de Pelobaka, membre du Conseil d’Administration.
Gilbert : 30 ans, pisciculture, 2015, président du groupement d’Andrimpe, membre du Conseil d’Administration.
Josselin : 31 ans, 2015, riziculture, membre du groupement d’Andrimpe, commissaire au compte de APDIP.
Tongasoa : 30 ans, 2015, riziculture, président d’un groupement local, secrétaire général de l’APDIP, membre du Conseil d’Administration.
Pourquoi avoir demandé cette aide à l’installation ? En quoi vous a-t-elle été bénéfique ?
Lova : pour moi, c’était une opportunité pour étendre et développer mon activité. L’attribution de l’aide et les revenus supplémentaires dégagés m’ont permis de développer d’autres activités de production comme l’élevage de bovins-lait. De plus, j’ai pu améliorer l’alimentation de ma famille et les aménagements de notre maison.
Elizé : J’avais déjà le projet de développer un élevage de poulet et c’était l’opportunité de pouvoir enfin le créer. En tant que célibataire, j’habitais chez mes parents. A Madagascar, tant que vous êtes sous le toit de vos parents, vous n’avez aucune indépendance, même lorsqu’il s’agit de décisions importantes concernant votre vie professionnelle. Avec le lancement de mon élevage de poulets il y a 8 mois, j’ai déjà obtenu des bénéfices qui m’ont permis de quitter la maison familiale et acquérir mon indépendance.
Gilbert : j’étais déjà pisciculteur mais il me manquait des fonds pour développer mon activité. Grâce à l’aide, j’ai pu augmenter la surface de mon étang. La production et les bénéfices ont augmenté. J’ai ainsi pu acheter ma propre maison.
Josselin : j’étais éligible ! L’utilisation des nouvelles pratiques SRI et SRA (Système de Riziculture Intensive et Système de Riziculture Améliorée et intensive) m’a permis d’accroître mon rendement d’une tonne par hectare. Je récolte donc maintenant 4 tonnes par hectare. Grâce à mes revenus supplémentaires, j’ai, d’abord, amélioré ma vie familiale et les équipements de notre logement. Ensuite, j’en ai utilisé une partie comme apport pour faire un crédit auprès de la banque afin d’acheter une vache laitière. Enfin, j’ai pu acheter 50 ares de surface cultivable.
Tongasoa : j’avais déjà reçu des formations et appuis techniques sur la riziculture. Le soutien financier était ce qui me manquait pour concrétiser mon projet. Grâce à cet argent, j’ai pu augmenter ma surface d’exploitation et améliorer ma technique culturale. Je pratique désormais les SRA et SRI. Je souhaite utiliser les futurs bénéfices pour acheter des bœufs de trait et augmenter la taille de ma rizière.
Pourquoi avez-vous décidé de vous investir dans l’APDIP ?
Tous les jeunes répètent la même chose : ils ont été attirés par l’appui technique et les formations proposées par l’APDIP. Pour eux, c’est une opportunité d’avoir accès à des formations gratuites (hors cotisation) et donc des connaissances auxquelles ils n’auraient jamais eu accès sans l’association. L’APDIP leur a permis d’améliorer leurs rendements, leurs revenus et leur vie quotidienne.
Josselin ajoute qu’il était également motivé à s’investir pour développer sa vie sociale grâce à l’implication dans cette organisation paysanne.
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